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COMMENTAIRE DES TROIS MOTS PAR DILGO KHYENTSE RINPOCHE

Dans le tome 3 des oeuvres complètes de DILGO KHYENTSE RINPOCHE (1910-1991) publié en anglais par Shambhala en 2010 se trouve PRIMORDIAL PURITY, la magistrale traduction de son commentaire des trois mots qui frappent l’essence (tib. Tsig Sum Nedek) de Prahevajra (tib. Garab Dorje) et de son commentaire par Ju Mipham (1846-1912). Il s’agit d’un texte essentiel qui de façon détaillée, précise et limpide introduit la coupure (tib. trekcheu) dans le cadre des instructions directes (tib. man ngag sde) de la grande perfection (tib. dzogpa chenpo).

Ces instructions directes avaient été données en France à Prapoutel en 1990. Le texte publié en anglais repose sur la transmission qui avait eu lieu en 1987 à Halifax au Canada.

En attendant la traduction française autorisée j’ai traduit des extraits de cet extraordinaire commentaire de DIlgo Khyentsé Rinpoché qui précisent la vue.

Quels sont ces trois mots ? Vue, Méditation et Action.

Cette vue du dzogchen est au-delà des mots.
Elle ne peut pas être montrée par la parole
Et transcende le domaine de l’esprit et de l’activité mentale.

Par l’écoute, la vue est comprise; par la réflexion, elle se transforme en expérience. Et si on médite, la vue va se développer sans erreur.

Si la nature de la vue est correctement introduite, méditation et action ne vont qu’assister la vue.

L’omniscient Jigme Lingpa a dit que quand l’esprit est bien en place (cadré), le gourou n’est pas à l’extérieur.

Ces maîtres qui nous libèrent  sont tous des maîtres extérieurs qui servent de moyens pour communiquer avec le gourou intérieur.

Si nous écoutons, réfléchissons et méditons les enseignements, vient un temps où nous réalisons effectivement notre nature intrinsèque, le sugatagarbha (nature de bouddha).

Le gourou est la nature de notre esprit. Une fois que nous avons réalisé la nature de notre esprit, il n’est plus nécessaire de chercher un gourou à l’extérieur.

La base du monde est l’espace.
Tous les phénomènes samsariques de karma et kleshas reposent sur la nature de la grande vacuité primordialement pure.

Si nous réalisons la nature essentielle de la grande vacuité primordialement pure, les phénomènes inconcevables et inconditionnés des bouddhas sont tous naturellement complets et parfaits en cet état.

Ils sont dès maintenant dans la nature de nos esprits mais nous ne le réalisons pas.

Sans effort, les qualités inconcevables sont naturellement parfaites.

Entre les bouddhas et les êtres sensibles… la confusion est la seule différence.

Quelle est la base des phénomènes du samsara et du nirvana ? C’est la présence spontanée selon le dzogchen.

La nature de la présence spontanée est la pureté primordiale.

Quand l’état naturel de l’union de la pureté primordiale et de la présence spontanée a été comprise, quand cette union de la pureté primordiale et de la présence spontanée est pratiquée, on ne peut pas faire autrement que de pratiquer l’inséparabilité du corps absolu et du corps formel du Bouddha.

Nous pouvons générer la compassion à l’égard d’un être qui souffre mais cette sorte de compassion ne s’élève que quand nous voyons la souffrance.

La compassion ultime est auto-existante et omniprésente.
Quand nous réalisons la vacuité et sommes conscients que les êtres sensibles ne l’ont pas réalisée nous allons naturellement ressentir en permanence en un flux perpétuel de la compassion pour tous les êtres, que nous méditions ou non.

La compassion comme celle-ci et la connaissance ne diffèrent que par leur nom; leur nature est essentiellement la même.

Quand a été introduite la vue de l’état naturel de la vacuité et de la compassion non duelles et que le méditant commence à s’y habituer, il a alors la première réalisation effective de la vacuité.

Il y a deux voies pour obtenir la certitude dans la vue dzogchen : la méditation analytique de l’érudit d’une part et d’autre part le chemin de l’ermite de laisser les choses telles qu’elles sont.

Dans la voie de l’érudit, on acquiert la certitude dans l’enseignement dzogchen par les citations, la logique et les instructions essentielles.

Si l’authentique gourou est reconnu comme le Bouddha, le dharmakaya lui-même, on va réaliser la vue du dzogchen. Ceci est appelé la voie de l’ermite de laisser les choses telles qu’elles sont.

Nous devons laisser l’esprit dans son flux naturel non contraint. Si nous regardons la nature de cet état non contraint, nous trouvons qu’il est perturbé par de nombreuses vagues de pensées… elles sont le pouvoir d’expression de la vue.

Nous devons reconnaître que ces vagues de confusion obscurcissent la vue.
Quand nous sommes englués dans ces vagues de confusion, si on crie fortement PHAT tout en se concentrant sur la nature non contrainte de l’esprit, ces pensées vont être dissipées.

Sans se soucier que ses pensées sont des pensées de foi, de dévotion et de compassion ou de passion, agression et ignorance, on doit laisser l’esprit dans son cours naturel.

Si l’on reste non contraint dans cet état de reconnaissance, il va naturellement devenir plus fort et la force des pensées confuses va inévitablement diminuer. Alors avec foi et dévotion à l’égard des lamas racine et de la lignée, l’état naturel de l’esprit va être réalisé. Ca s’appelle reconnaitre sa propre nature.

La vue qui est en nous nous a été montrée. Ce n’est pas comme si par la bénédiction du gourou la vue venant d’ailleurs avait été mise en nous. Ce n’est pas que nous ayons reçu quelque chose que nous n’avions pas avant.

Rester dans cet état de reconnaissance de notre nature résume la vue dzogchen.