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Le XVIIe GYELWA KARMAPA : LA RELATION DE MAÎTRE A DISCIPLE

Sa Sainteté le XVIIe KARMAPA
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LE GOUROU YOGA – LA RELATION DE MAITRE A DISCIPLE
Nurburing en Allemagne le 29 mai 2014

Karmapa best 8Le GOUROU YOGA, la relation de maître à disciple, se trouve être quelque chose d’extraordinaire dans la lignée KAGYU.

Dans notre lignée s’est développée la tradition de reconnaître les hauts lamas après leur renaissance. La première réincarnation connue d’un lama est celle du troisième KARMAPA.
C’est là que se situe la continuité de la relation entre maître et disciple, la continuité de la prise en charge du disciple par le maître, disciple qui à son tour prendra en charge le maître dans sa vie suivante.

Il est de la responsabilité des disciples du défunt maître de retrouver sa réincarnation. Quand un maître quitte ce monde ses disciples doivent s’efforcer de retrouver sa réincarnation de sorte que ce jeune nouveau maître réincarné puisse continuer l’activité et le rayonnement du maître précédent. Et de plus, le réincarné reconnaitra ses disciples de sorte que se développe de vie en vie un système continu de relation maître-disciple. C’est quelque chose d’unique qui remonte à la tradition des KARMAPAS.
Ainsi j’ai été découvert en tant que XVIIe KARMAPA, je continue les activités du XVIe KARMAPA et en raison de connections karmiques je me suis à nouveau rendu en Europe. Il s’agit de l’expression de la continuité d’une connection, d’une profonde connection profondément enracinée, non interrompue par la mort ou le bardo. Ainsi je peux à nouveau prendre soin de la tradition KAGYU et de ses centres.
Il existe une continuité profonde et forte de la connexion entre les disciples et les maîtres qui ne peut être interrompue ni par la naissance, ni par le bardo et la mort.

En ce sens , ce qui est connu sous le vocable de GOUROU YOGA est l’expression de la connection profonde entre maître et disciple. Le GOUROU YOGA est profond et de la plus grande importance. Il est d’avantage que le lien corporel entre maître et disciple dans le sens où nous nous parlons l’un à l’autre. Il s’agit d’un lien spirituel en vue de reconnaitre le vrai sens profond. Un lien qui contient les deux bénéfices, pour soi et pour les autres.

La pratique du GOUROU YOGA favorise grandement cette relation entre maître et disciple qui n’est pas seulement le lien physique grâce auquel nous nous parlons. C’est une profonde relation spirituelle qui est très privée, très intime et qui se poursuit au delà de l’existence.
C’est ainsi qu’est obtenu ce précieux lien entre maître et disciple.

La connexion est nourrie par la compassion et la bénédiction du maître d’une part et par la dévotion et l’estime du disciple d’autre part. C’est une relation d’amour avec le disciple.
Nous connaissons dans cette vie de nombreuses expressions d’amour et de compassion, l’amour pour les parents, l’amour pour les enfants, l’amour entre copain et copine… Ce sont toutes des expressions de bonté et d’amour. Alors, quel est cet amour entre les maîtres et les disciples qui est d’une primordiale importance pour pratiquer le DHARMA ?
L’amour entre le maître et le disciple n’est pas un amour mondain selon lequel l’un est gentil avec moi et l’autre non, l’un m’a dit ça et l’autre non. Il s’agirait alors de modalités d’attraction et répulsion.
Nous devons comprendre la bonté et l’amour du maître pour le disciple d’une manière plus profonde.
Il existe beaucoup de façons de voir les choses. Parfois il peut nous sembler s’agir d’une sorte d’affection mondaine. Nous pensons que ce maître nous donne plus d’affection, l’autre moins, celui-ci nous explique plus, il doit donc avoir plus de bienveillance. Et de plus, l’autre nous accorde moins d’attention.De telles idées peuvent se développer.
Pour ne pas se tromper, il est important que nous comprenions quelle est la vraie nature de la relation aimante entre le maître et le disciple.
Parler d’amour entre maître et disciple se réfère à l’expérience que nous avons des problèmes, des obstacles et des souffrances. Même quand nous sommes joyeux, la joie est temporaire et va se transformer. Ce qui s’exprime en joie devient ensuite aussi un problème ou un obstacle. Il est important de reconnaitre qu’en nous se trouvent des obstacles de façon permanente. Ils se trouvent déjà dans le fait que nous portons en nous les graines, le potentiel de douleur et de souffrance ici et maintenant et aussi dans la manière selon laquelle nous nous impliquons dans le monde.

L’amour du gourou pour ses disciples se réfère à la nature de la souffrance et des problèmes auxquels nous sommes soumis selon trois modalités. L’amour du gourou consiste en ce qu’il reconnait notre souffrance et notre fardeau.

Quand nous parlons de souffrance et obstacle, il ne s’agit pas de la sensation temporaire de douleur qui se manifeste en souffrance. Mais c’est plutôt le genre de souffrance qui survient quand par exemple nous sommes affligés par la douleur et les sensations désagréables d’une maladie.
D’autre part, si nous nous sentons très heureux et joyeux , même si nous nous sentons dans un état d’esprit agréable, ceci est déjà un obstacle car cet état est impermanent et donc il ne sera pas durable.
Il y a aussi le troisième mode qui est est constitué par la nature fondamentale omniprésente, à savoir que tout est assujetti à l’impermanence et tout contient en soi le potentiel de souffrance. Ces trois type de souffrance sont vécus par tous les êtres vivants.

Mais l’amour et la gentillesse de l’enseignant ne repose pas sur le fait qu’il nous libère d’un état de malaise temporaire.
Il ne s’agit pas de considérer que l’expérience du bien-être physique temporaire soit la félicité.
Il ne s’agit pas de quelque chose se transformant en succès qui contient à nouveau la souffrance. Mais cela concerne la racine, la graine, le potentiel du fardeau de toutes les souffrances. L’amour du maitre consiste en ce que nous nous en détachions, que nous nous en libérions.

Quand nous parlons de nous libérer de la souffrance du samsara, le but de la compassion de l’enseignant est de nous guérir et nous aider: c’est là le sens de son amour qui, en fait, dépends des disciples. Ceci constitue la très importante action sur notre pratique dans la voie de la libération.

L’amour du gourou n’est pas destiné à nous sortir des états temporaires d’inconfort et à les remplacer par un état de joie temporaire, ou bien de nous aider a acquérir des succès mondains, la gloire ou l’honneur. Ces derniers semblent apporter joie et gaité mais ils contiennent déjà ce qui provoque leur fin et les transforment en souffrance et en problèmes.

La vraie bonté et la compassion de l’enseignant résident dans cette aide pour que la racine, la cause et la graine de toute souffrance puissent être supprimées. C’est là la véritable intention du maître. Nous devons nous en souvenir quand nous recevons ses enseignements.

Son intention véritable, son but ultime est de nous libérer de toutes les formes de souffrance, de couper la racine de chaque peine.

Du côté du disciple se trouve l’expression de la dévotion et de l’estime.
Qu’entends on par là ?
Il y a deux choses importantes :
– l’une est une sorte de langueur, un désir ardent.
– l’autre est quelque chose comme une estime ou un respect.

Du côté du disciple la dévotion a donc deux sens : l’un est le désir ardent et l’autre le respect.
Dans un sens, le maitre est une sorte de modèle vers lequel nous poussent notre désir et notre ardeur. Il est pour nous une inspiration, un modèle qui incarne des qualités spéciales qui nous fascinent dans sa manière d’être et dans la façon dont nous découvrons ces qualités.
Nous sommes fascinés par ces qualités qui n’ont rien à voir avec le fait que quelqu’un a une belle apparence, est bien proportionné ou a un bon rayonnement.
Nous ne sommes pas fascinés par les qualités physiques mais par les qualités intérieures.Le dévouement de l’étudiant a ces deux aspects.
Un maitre qualifié est pour nous une inspiration.
Il a des caractéristiques et des avantages qui rejaillissent sur nous et qui de cette façon nous encouragent et nous inspirent, et qui touchent notre coeur comme si nous tombions amoureux de ces qualités. Il ne s’agit pas de l’apparence extérieure charismatique du corps, de la couleur ou de la forme mais des qualités intérieures de l’amour, de la bonté et ainsi de suite. Quand nous sommes fascinés par ces qualités, nous développons une estime, une grande ouverture pour nous permettre d’acquérir et de développer les mêmes qualités. Quand nous sommes encouragés de cette façon, nous ressentons le besoin de développer ces qualités en nous-mêmes.

En parlant de respect, nous ne pensons pas aux formes extérieures, au protocole ou à l’étiquette.
Nous voyons bien que les occidentaux et les tibétains n’ont pas les mêmes formes de respect.
En outre, il est important que le disciple en relation avec le maitre ait le désir profond de faire passer dans sa propre expérience tout les trésors enseignés par le maître.
Ceci est la véritable expression de respect ou d’estime. Avec cette compréhension une estime naturelle se produira.
Cela n’a rien à voir avec le fait que nous louons seulement extérieurement les enseignants ou montrons diverses formes d’expression physique de respect. Il ne s’agit pas de différentes formes extérieures de respect culturellement conditionnées mais il s’agit de l’appréciation intérieure de ces qualités que nous voulons développer en nous.

La vraie forme d’appréciation est d’inclure le plus grand nombre possible de ces qualités en nous.
Dans la tradition KAGYU il est dit que le gourou qui est détenteur d’une telle lignée, qui a une grande compassion et une grande compréhension profonde, est qualifié à la façon dont les ancêtres de la lignée ont enseigné de sorte que l’ étudiant pourra à son tour être capable de pratiquer d’une manière claire et sans erreur; telle est la compassion du maître. Par conséquent la lignée KAGYU est telle que l’enseignant soit d’abord complètement formé à toutes ces qualités et que dans sa propre expérience il incarne ces qualités pour que le disciple puisse à son tour éveiller et renforcer ces qualités en lui-même.
Ce processus dans notre tradition est appelé la réception de l’encouragement ou la puissance de bénédiction.

Quand nous parlons de bénédiction nous comprenons la bénédiction comme un encouragement. Ce que nous appelons la bénédiction n’est rien de tangible, visible, compréhensible.
Il n’y a rien que vous pourriez distribuer ou transmettre à quelqu’un.
Lorsque les enfants sont proches de leurs parents ils ont le sentiment d’être protégés par cette proximité . C’est exactement cela parce qu’il n’y a rien à voir ni à saisir. Et pourtant, c’est indéniablement là. On pourrait aussi appeler cela une bénédiction.

Moi aussi, j’ai connu cela quelques fois dans ma vie en présence des personnalités véridiques .
A l’époque quand j’ai rencontré la bénédiction, j’avais un sentiment d’anxiété intérieure complète et de soucis. Après la rencontre, il y eut un changement. Les soucis n’étaient plus aussi perceptibles. On pouvait dire que c’était l’influence salutaire de cette rencontre.
En présence de ces grandes personnalités, on a l’expérience d’une sorte d’inspiration et d’encouragement. Dans cette mesure la bénédiction n’est en rien solide ou compréhensible.

La compassion de l’enseignant doit progressivement trouver son chemin vers les étudiants qui à leur tour développent compassion et qualités. Je pense que c’est ça la bénédiction.
La bénédiction est finalement le fait qu’un gourou a énormément de sympathie et possède toutes les autres merveilleuses qualités. Puis les disciples vont progressivement, pas à pas, renforcer quelques unes de ces qualités en eux-mêmes. Ceci est selon moi la bénédiction. A part cela, je ne sais pas ce qu’est censée être la bénédiction.
Si quelqu’un voulait une bénédiction comme une marchandise que l’on pourrait transmettre, je ne sais pas ce que ça serait.
Aujourd’hui à l’époque du matérialisme, beaucoup de gens pensent qu’il faut toujours montrer quelque chose, être capable de voir ou d’obtenir quelque chose. Dans le DHARMA il n’y a rien qui puisse être transmis, au moins matériellement parlant, c’est quelque chose qui se développe dans sa propre expérience .
En ce 21ème siècle, nous sommes fondamentalement conditionnés de façon à tout voir en termes matériels; par bénédiction nous pensons à quelque chose qu’il faut demander et recevoir, quelque chose que nous devons donc obtenir et maintenir, dans un sens de possession. Mais la bénédiction n’est pas quelque chose qui passe et puis qui est terminée. La bénédiction est une force qui s’accumule graduellement dans le long terme.

Peut-être avons nous rencontré le gourou il y a trois ans et avons nous eu quelque expérience ? Et pendant longtemps il ne s’est rien passé. Soudain, après trois ans nous remarquons cette rencontre. Et soudain, nous sentons que quelque chose est arrivé, quelque chose qui nous a touché. Il faut donc parfois un long long temps. Ce n’est pas la manière d’être matérielle des choses. La pratique du dharma est différente de l’évolution et du développement des choses.
Peut-être n’avons nous parfois pas assez de patience et de persévérance ? Nous voulons obtenir quelque chose de nos maîtres et nous en saisir. Mais le maître ne donne pas de cette façon. Il s’agit de quelque chose qui dans notre expérience se développe lentement et régulièrement, à savoir ces qualités du gourou qui sont absorbées en nous.

Le GOUROU YOGA est considéré comme un rituel. Nous pensons que maintenant nous l’avons fait tant de fois et que c’est suffisant. Le mot Yoga, Naljor en tibétain, dans GOUROU YOGA suggère qu’il y a plus à faire qu’un rituel extérieur. Le GOUROU YOGA est dans son essence même une pratique intérieure.

Cet enseignement du XVIIe KARMAPA a été traduit à Nurburing en allemand par Christophe Klonk, transcrit et un peu modifié par Jobst Koss.
Il a été adapté en français par Ecuald en collaboration avec Jobst Koss.
L’introduction et la conclusion ont été omises parce qu’elles étaient en dehors du sujet principal.